Poignée d'étoiles (poche) (Une)

Rafik Schami

École des Loisirs

  • 22 septembre 2020

    Rafik Schami sait prendre le lecteur au filet de l’imagination pour nous apporter émotion et plaisir. Nous lisons le journal du fils d’un boulanger de Damas pendant près de trois ans. La langue de Rafik Schami traduite par Bernard Friot ne fait pas obstacle au sens, la narration du diariste est forte pour donner à voir le quotidien d’un vieux quartier de la capitale syrienne. Le jeune garçon veut devenir journaliste. Ses premiers propos relatent certains faits de la situation politique de son pays, l’injustice, l’absence de liberté et la répression de toute opposition. Il témoigne de cette réalité et de la beauté de la Syrie.
    « L’automne est ma saison préférée. C’est l’époque où Damas est la plus belle. Les rues sont encombrées de marchands ambulants qui vendent les fruits d’automne. Il y a moins de touristes qu’en été et ils semblent prendre leur temps. Ils s’intéressent à notre vie toute simple. […] Les hirondelles emplissent l’air de leurs appels vibrants, comme si elles s’enivraient de plaisir, avant d’entreprendre leur grand voyage vers le sud. »
    Dans les papiers du jeune garçon, les bribes de rêves de l’oncle Salim, le visage entrevu de Nadia à laquelle il envoie depuis sa fenêtre un baiser à distance « c’est une invention, à cause de l’éloignement : je donne un baiser, comme si elle était là, puis je cueille le baiser , telle une fleur de jasmin », la complicité de sa mère, les conseils du journaliste Habib, les visages entrevus, les faits divers et toutes les émotions qui le traversent.
    C’est frotté aux scènes qu’il relate que nous les découvrons peu à peu. La complexité fait la chair de chacun des personnages. Le rythme du journal dilate le temps sur l’abnégation du jeune garçon. Il s’oppose aux choix patriarcaux, il écrit et s’acharne à dénoncer les exactions des gouvernements. L’histoire avance au rythme du métronome fou de la jeunesse et de la liberté.
    C’est un livre de lutte vers l’émancipation et la prise de parole, non dénué de passion et d’imaginaire, qui témoigne avec tranchant parfois des prémisses d’un mouvement citoyen pour combattre les préjugés. C’est un livre que vais donner à lire cette année à des enfants de dix ans pour continuer à former leurs rêves en dépit de la réalité la plus rude.